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Chaque après-midi, les locataires du 9 de la rue de Nimègue aux Couronneries sortent une table et le café dans le hall. Ils invitent les autres habitants de l’immeuble à rejoindre leur action.
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Aux Couronneries, une dizaine de locataires d’une tour ont décidé de s’installer dans le hall tous les jours avec café, jus de fruits et petits gâteaux pour reprendre le territoire des dealers.
Un visage de gamin, planqué sous une capuche à fourrure. Devant le 9 rue de Nimègue, cette fine silhouette en colère veut pénétrer dans l’immeuble. En haut des marches, juste avant le hall, Catherine fait front : « Toi, tu ne rentres pas! » La locataire tient le coup et ne s’échappe pas face à l’arrogance de l’individu qui passe finalement son chemin. Cette scène s’est déroulée lundi dernier; en plein jour.
« On n’a pas peur, on se débrouille pour être plusieurs à chaque fois »
Depuis une semaine, les petits dealers qui s’étaient installés dans le hall de cette tour des Couronneries ne sont plus les bienvenus. Un groupe d’une dizaine de locataires, en majorité des femmes, a décidé d’occuper le hall pacifiquement, en dépliant une table et des chaises et en offrant chaque après-midi café, jus de fruits et petits gâteaux.
« Le premier jour, ils ont continué à faire leur trafic sous notre nez », souffle Catherine. Mais depuis, les trafiquants se font plus rares. « Tout a commencé en novembre 2018. Ils se sont installés et personne ne disait rien, c’était invivable », raconte une autre locataire. Cloisons cassées, boîtes aux lettres défoncées, lampes brûlées. « Ils se sont débrouillés pour que le hall ne s’allume pas la nuit. » Après une petite accalmie cet été, les incivilités et les fumettes ont repris de plus belle à la rentrée. Il était temps d’agir. « Nous en avons parlé à Habitat de la Vienne (N.D.L.R.: le bailleur social) et nous avons décidé d’occuper le hall tous les après midis. On n’a pas peur, on se débrouille pour être plusieurs à chaque fois. Nous sommes dans la légalité, pas eux », expliquent Catherine, Xavier, Virginie, Fanfan…
L’action, soutenue par la police, ne fait que débuter et devrait durer un mois au minimum. Mais tous savent que ce n’est pas gagné. « Dès que nous ne sommes plus là, le trafic reprend. A 22h, c’est tout juste si je ne dois pas montrer ma carte d’identité pour entrer », s’insurge Xavier. Habitat de la Vienne, par la voix de son directeur, Pascal Aveline, souhaite développer
« la médiation de nuit ». Pour continuer à occuper le terrain.
« Ce n’est pas aux locataires de partir »
D’autres, comme Virginie, veulent y croire: « Ma petite fille de 5 ans veut déménager parce qu’elle a peur. Mais ce n’est pas aux locataires de partir! »
Sur l’efficacité de l’opération, Catherine sait pertinemment que cette occupation du hall ne fait que déplacer le problème des trafics. « Oui, on les a fait changer de places, mais aujourd’hui les gens de l’immeuble préfèrent nous voir nous, plutôt que les dealers. »
« Il faut que tout le monde soit mobilisé »
Pascal Aveline, directeur général d’Habitat de la Vienne approuve l’initiative du 9 de la rue de Nimègue. Il rappelle que l’action a même été encouragée et décidée suite à une réunion avec les locataires, la police nationale, la police municipale et les services de la ville de Poitiers (lire ci-dessous). Mais le bailleur aimerait que le petit groupe s’étoffe. « Il faut que tout le monde soit mobilisé pour se réapproprier le quartier. Plus les locataires seront nombreux, plus les dealers partiront des halls d’immeuble. » D’autres actions sont prévues. « Nous allons mener une étude avec une société de sécurité pour envisager de la vidéosurveillance, mais aussi pour voir comment ils peuvent nous apporter leur aide pour d’éventuelles rénovations urbaines. »
Bruno Delion