LA NOUVELLE RÉPUBLIQUE 06.08.2018
En bas des tours ou à l’intérieur, la chaleur demeure particulièrement écrasante.
© Photo NR
Renforcée par la vétusté de certains immeubles et le manque d’activité d’été, la canicule dans le quartier des Couronneries s’avère difficile à supporter.
A Poitiers, la place Coïmbra se vide petit à petit. Le mercure affiche 32 degrés mais on pourrait jurer qu’il en manque trois ou quatre. Les stands laissent derrière eux des monticules de cartons et de plastiques qui s’envolent au vent. Sorte de tumbleweeds dans l’atmosphère suffocante. Reda, quant à lui, s’est endormi sur un banc de béton, à l’ombre d’un panneau de circulation. « De toute façon que je dorme là ou chez moi, la chaleur est intenable. » Résident des Couronneries depuis trois ans, il loge dans l’un des appartements de la résidence Florian, rue de Provence. Un vieil immeuble pourrait-on dire. « J’ai une fenêtre dans la cuisine et une dans le salon, poursuit-il. La cour n’est faite que de bitume, alors pour ce qui est de respirer… » Le soleil qui se reflète sur les murs et le sol agit comme un four. Pas vraiment le meilleur endroit pour la sieste.
“ On va se cramer les semelles ” Sortie des champs et des friches au milieu des années 1960, la zone des Couronneries fait partie des 200 quartiers bénéficiaires du 2nd programme de rénovation urbaine prévu sur dix ans (1) identifié par l’Anru (Agence nationale pour la rénovation urbaine). D’autres immeubles, eux, ont bénéficié de plans de rénovation à part. Histoire de rendre l’habitat plus respirable. Un bloc plus loin, l’atmosphère est différente. Saïd vient de ramener des abricots secs du marché et rejoint ses amis. Tournée générale. La bande, tous la vingtaine, écoute Yaffah, plus vieux, gratter les cordes de sa guitare. « Généralement on va jouer au foot ou au basket, explique Saïd, complice avec ses copains. Mais là on va se cramer les semelles. » La vie tourne au ralenti, les gestes sont lents, les corps lourds. La résidence Bretagne, leur « fief », a pourtant bénéficié d’un sacré coup de jeune récemment. Notamment grâce aux 11 millions d’euros investis (2), en partie, pour une meilleure isolation thermique. Rendant les appartements, théoriquement, plus vivables. « Ce n’est pas un sauna, c’est sûr, souligne Yaffah, les yeux rivés sur le manche de sa guitare. Mais quand il fait chaud, tu ne peux rien y faire. Rester dans le noir, dans 45 m2, c’est bon quoi. Et puis ce n’est pas comme ceux d’à côté. » Couloir de chaleur Ceux d’à côté, le long de l’avenue Kennedy et son lot de voitures qui contribuent à la fournaise des lieux. Près du parc de Coubertin, Bernard, 66 ans, profite d’une table à l’ombre quand il propose une visite de son logement. Ce n’est qu’au premier étage, mais l’escalier le fait suer à grosses gouttes. On se capitonne dans la moiteur du couloir commun. Puis enfin l’appartement. Stores coulissables baissés presque entièrement : seuls les fins espaces entre les lamelles donnent le peu de lumière aux lieux. Il fait très chaud. Le ventilateur brasse de l’air et donne l’illusion d’une brise. Il ne rafraîchit rien. « L’immeuble commence à être vétuste, il a plus de quarante ans, explique Bernard pour justifier sa fuite des lieux durant la journée. Et le soir, l’air manque toujours autant. »
(1) Au total, l’État doit consacrer 5 milliards d’euros sur 10 ans (2014-2024).
(2) Par Ekidom (Office public de l’habitat), la Région et Grand Poitiers.